Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
3 mois de mission de paix
7 décembre 2009

Sheikh Jarrah, encore Sheikh Jarrah.

Sheikh Jarrah, encore Sheikh Jarrah.

Bild_009_1_

Hier, par exemple, j’ai rejoins comme presque chaque jour, maintenant, le quartier de Sheikh Jarrah -Jérusalem-Est- par le grand boulevard Nablus Road qui passe devant le fameux American Colony, hôtel cossu qui sert de si bon Tea-Time hors de prix, et où une visiteuse Volontaire Oeucuménique, venue pour quelques heures de Hebron, nous  avait donné rendez-vous le mois dernier.

Elle avait commandé thés et cafés à la ronde. A la vue de la facture apportée par la gentille serveuse, elle s’était  mise à  crier dans un pur anglais londonien, que my God, est-ce possible une telle somme ? No… C’est pour l’ensemble…isn t it?...Pour… Chaque Tasse ? No…C’est une erreur sans doute ? Really ? La jeune serveuse, perdant tout maintien style d’école hôtelière, avait été prise d’un tel fou-rire qu’elle en parlé sans doute encore aujourd’hui dans sa famille palestinienne. J’aime penser que ce souvenir la distrait peut-être, dans les files d’attentes, au passage des Check-Point, pour venir travailler...

Je gagne un peu de temps avec cette anecdote, juste le temps du virage du boulevard qui va rejoindre le carrefour vrombissant de voitures, car, à deux cents metres de là - première rue à droite - la famille de Mohammed traverse maintenant larmes et rage. Le verdict est tombé, la famille a perdu, la maison revendiquée par les settlers leur reviendra, mais, plus grave, les  autres maisons qui s’élèvent un peu partout dans la rue, dans le quartier, entourées de leur jardinet, appartiennent toutes à leur grande famille élargie, les cinq frères de Mohammed… Une de ces habitations, mitoyenne de famille palestinienne barricadée à l’intérieur, est “occupée” par les vigiles d’une société privée de gardiennage, en attendant que les settlers, nouveaux propriétaires, viennent s’y installer. s1

Le jardinet devant est jonché des meubles et de débris des anciens occupants. Depuis 8 jours, Mohammed et sa famille ont emménagé dans un appartement proposé par la municipalité palestinienne, et les enfants ne dorment plus dehors sous la bâche, ce qui n empêche pas la maman de hocher la tête en montrant sa maison perdue, et les aieules, fidèles au sitting quotidien, serrées les unes contre les autres sur le trottoir, de fixer un regard inquiet sur les nouvelles à venir, en espérant  l'impossible.

Hier soir, pourtant, les petits garçons sillonnaient la rue à bicyclette et se poursuivaient en riant, comme tous les petits garçons, pour prendre chacun leur tour. Sarah, 3 ans, choisissait qui elle voulait parmi les adultes qui la saluaient et décidait de faire un sourire ou de mimer un crachat, selon son bon vouloir de petite reine de la famille .

Hier soir, donc, paisible soirée entre voisins et familiers palestiniens, dans le retour du calme, a quiet Sheikh Jarrah, en somme. J’écoutais Martine, Volontaire francaise, Pasteur de l’Eglise Réformée de France, venue de la petite ville de Tulkarem pour deux jours à Jérusalem, poser toutes les questions de la terre aux parents qui voulait  bien expliquer, à nouveau, l’absurdité de la situation. Deux grands feux dans des tonneaux de tôles illuminaient la scène et  répondaient aux girophares bleus de l’engin de police présent jour et nuit au beau milieu de la rue.

Par les fenêtres illuminées de la maison d’en face - qui fut la leur - la famille de Mohammed pouvait voir, comme chaque soir, les silhouettes des settlers comme on les appelle ici, vaquer aux occupations domestiques, comme toutes les familles de la ville, à cette heure.

Cynisme? Egoïsme? Inconscience? Un drapeau bleu et blanc imperturbable, tout là haut, sur leur toit.

Nous les avons quitté pour la nuit, rassurés quand même. Mais le lendemain, la presse racontait les incidents du petit matin, les altercations de voisins à voisins ennemis, l’arrestation mouvementée d’un settler et de deux palestiniens par la police et l’armée. Dans la bousculade, une des aieules avait été molestée et hospitalisée.

Je vous quitte. Je dois rejoindre les autres, toutes ces bonnes volontés  rasssemblées en prières et en soutien qui vont, à nouveau, remplir la rue, déjà  pleines de gardes, de vigiles, de policiers et de soldats, comme  Membres d’associations israéliennes,  Israeli Committee Against House Demolitions ou Rabbis for Human Right, comme volontaires internationaux et chrétiens, de Ecumenical  Accompaniment in Programme in Palestine and Israel, comme sympathisans, palestiniens, anonymes, et d’autres que j’oublie, et comme  vous, qui me lisez maintenant.

Sheih Jarrah, encore Sheih Jarrah. 

Claire-Lise Pattegay, Jérusalem, Décembre deux mille neuf.

Publicité
Publicité
Commentaires
3 mois de mission de paix
Publicité
Publicité