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3 mois de mission de paix
16 janvier 2010

Village Perdu

Nous savons que nous n’allons pas au pays de Peter Pan en longeant cette impressionnante gare routière de Jérusalem-Ouest, pour atteindre un faubourg bien caché, au  détour d’un pont futuriste, en volutes, à vous donner le vertige. Pourtant, le nom de l’endroit que nous avons décidé d’aller voir en compagnie de Tamar Avraham, de l’Asssociation israélienne Zochrot,( www.zochrot.org) Se Souvenir,  pourrait  faire rêver à de bien  belles choses, dans un Village Perdu....

Zochrot , quant à elle, est le nom d’une organisation pacifiste israélienne qui veut entretenir la mémoire des deux partis, et veiller à la conscience des abus, aussi, engendrés par les expulsions de palestiniens, contribuer à restaurer une paix juste et vraie, si c’est possible. 

De fait, il faut un guide averti pour savoir prendre la porte de la ville et découvrir ce hameau lointain, enfoui dans une forêt de cactus, de figuiers et d’amandiers en fleurs,  par un superbe après-midi de Janvier. Lifta, tel est son nom. Lifta est indiqué sur un tout petit panneau en anglais, arabe et hébreu sur un bord de route. Il faut dévaler sans hésiter un chemin de rocailles défoncé, qui roule sous les pieds, et qui serpente toujours plus droit toujours plus pentu, pour découvrir d’un seul coup, les somptueux jeux d’ombres et de lumières sur les murs de pierres de dizaines de maisons, belles, muettes, presque intactes. Nous voilà  en  arrêt, aussi subitement, devant une piscine naturelle creusée dans la roche, et qui sert aux ablutions rituelles des juifs othodoxes que nous croisons pendant le trajet, un peu incongrus avec leurs chapeaux, leurs costumes et leurs souliers bien cirés.

Le charme de cette vallée est si envoûtant, qu’on pourrait se croire au Pays Perdu d’un conte d’enfant. Pourtant, son histoire est triste et tous leurs habitants ont fuit en Décembre 1947, durant cet épisode que les palestiniens appellent la Catastrophe ou Nakba. On sait qu’ensuite, Israël a promulgué la Loi du Retour, garantissant à tout juif le droit à la citoyenneté israélienne reposant sur le concept d’une nationalité juive en Israël et depuis 1967, dans les Territoires occupés palestiniens alors qu’en 1952, il  dénationalisait les réfugiés palestiniens par sa Loi sur la Citoyenneté.

En observant les arcs de voûtes à demi défoncés de l’ancienne mosquée, on se souvient que la création d'une nationalité juive extra territoriale et religieuse comme base de la citoyenneté, a contribué à créer deux ensembles de règles, une pour les juifs et une autre pour les palestiniens. 

Tamar nous rappelle que Lifta, dans la Bible, s’appelle Nephtoa, qu’on la cite dans Josue 15, 8-9 et qu’on y parle de sa source et de cette petite rivière si fraîche pendant les heures brûlantes de l’été. Un ancien moulin à huile a arrêté  son élan et laisse passer le bleu du ciel et la lumière de cette splendide journée, par un gros trou au plafond. Ces trous existent ailleurs, sur d’autres plafonds de maisons défoncées exprès, pour dissuader les anciens occupants de revenir s’y installer….De l’extérieur, pourtant, elles paraissent intactes, solides sous le soleil, comme préservées, par la saisissante beauté des lieux. 

Comment  ce village de Sleeping Beauty, a-t-il  pu échapper à la destruction de toutes traces, à l’encontre  de nombreux autres villages, rayés de la carte durant cette période ? Pourquoi n’a-t-il pas subi le même sort ?

"Sans doute oublié, tout simplement oublié, à cause de sa profonde excavation dans cette petite vallée" explique Tamar, qui ajoute que, sans doute, certaines de ces habitations sont à nouveau, secrètement habitées, si "les trous dans le toit ne les gênent pas trop", puisqu’une installation dans ces lieux est interdite, certes - ne serait-ce que pour des raisons officielles de sécurité - mais  n’est pas considérée comme juridiquement illégale.

Paradoxalement nous voilà dans l’herbe, débattant sur les notions de Souvenir, Devoir de mémoire et tentations de l’Oubli. "La mémoire, dit- elle, la mémoire est capitale. Nos souvenirs mutuels sont essentiels à la compréhension de nos peurs respectives. Pour elle, chacun des esclaves de l'antique Exode biblique n’est- il pas une sorte de Palestinien actuel ?"

Je l’écoute parler des gens de Jérusalem, "beaucoup de gens, ici, me donnent du courage, en particulier les femmes, si solides - je remarque son beau sourire - il y a toujours l'espoir, vous savez", et je quitte ce lieu enchanteur en sachant qu’un comité de défense des anciens occupants de Lifta existe ici, et que des hommes et des femmes de la trempe belle et tranquille de Tamar Avraham veillent ici, toujours. 

Claire-Lise Pattegay, Jérusalem, 11 Janvier 2010.

source d'information : www.palestineremembered.com/Jerusalem/Lifta/index.html

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http://www.legrandsoir.info/Appel-pour-sauver-l-histoire-la-culture-et-l-heritage-du-village-de-Lifta.html
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