Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

3 mois de mission de paix

16 janvier 2010

Village Perdu

Nous savons que nous n’allons pas au pays de Peter Pan en longeant cette impressionnante gare routière de Jérusalem-Ouest, pour atteindre un faubourg bien caché, au  détour d’un pont futuriste, en volutes, à vous donner le vertige. Pourtant, le nom de l’endroit que nous avons décidé d’aller voir en compagnie de Tamar Avraham, de l’Asssociation israélienne Zochrot,( www.zochrot.org) Se Souvenir,  pourrait  faire rêver à de bien  belles choses, dans un Village Perdu....

Zochrot , quant à elle, est le nom d’une organisation pacifiste israélienne qui veut entretenir la mémoire des deux partis, et veiller à la conscience des abus, aussi, engendrés par les expulsions de palestiniens, contribuer à restaurer une paix juste et vraie, si c’est possible. 

De fait, il faut un guide averti pour savoir prendre la porte de la ville et découvrir ce hameau lointain, enfoui dans une forêt de cactus, de figuiers et d’amandiers en fleurs,  par un superbe après-midi de Janvier. Lifta, tel est son nom. Lifta est indiqué sur un tout petit panneau en anglais, arabe et hébreu sur un bord de route. Il faut dévaler sans hésiter un chemin de rocailles défoncé, qui roule sous les pieds, et qui serpente toujours plus droit toujours plus pentu, pour découvrir d’un seul coup, les somptueux jeux d’ombres et de lumières sur les murs de pierres de dizaines de maisons, belles, muettes, presque intactes. Nous voilà  en  arrêt, aussi subitement, devant une piscine naturelle creusée dans la roche, et qui sert aux ablutions rituelles des juifs othodoxes que nous croisons pendant le trajet, un peu incongrus avec leurs chapeaux, leurs costumes et leurs souliers bien cirés.

Le charme de cette vallée est si envoûtant, qu’on pourrait se croire au Pays Perdu d’un conte d’enfant. Pourtant, son histoire est triste et tous leurs habitants ont fuit en Décembre 1947, durant cet épisode que les palestiniens appellent la Catastrophe ou Nakba. On sait qu’ensuite, Israël a promulgué la Loi du Retour, garantissant à tout juif le droit à la citoyenneté israélienne reposant sur le concept d’une nationalité juive en Israël et depuis 1967, dans les Territoires occupés palestiniens alors qu’en 1952, il  dénationalisait les réfugiés palestiniens par sa Loi sur la Citoyenneté.

En observant les arcs de voûtes à demi défoncés de l’ancienne mosquée, on se souvient que la création d'une nationalité juive extra territoriale et religieuse comme base de la citoyenneté, a contribué à créer deux ensembles de règles, une pour les juifs et une autre pour les palestiniens. 

Tamar nous rappelle que Lifta, dans la Bible, s’appelle Nephtoa, qu’on la cite dans Josue 15, 8-9 et qu’on y parle de sa source et de cette petite rivière si fraîche pendant les heures brûlantes de l’été. Un ancien moulin à huile a arrêté  son élan et laisse passer le bleu du ciel et la lumière de cette splendide journée, par un gros trou au plafond. Ces trous existent ailleurs, sur d’autres plafonds de maisons défoncées exprès, pour dissuader les anciens occupants de revenir s’y installer….De l’extérieur, pourtant, elles paraissent intactes, solides sous le soleil, comme préservées, par la saisissante beauté des lieux. 

Comment  ce village de Sleeping Beauty, a-t-il  pu échapper à la destruction de toutes traces, à l’encontre  de nombreux autres villages, rayés de la carte durant cette période ? Pourquoi n’a-t-il pas subi le même sort ?

"Sans doute oublié, tout simplement oublié, à cause de sa profonde excavation dans cette petite vallée" explique Tamar, qui ajoute que, sans doute, certaines de ces habitations sont à nouveau, secrètement habitées, si "les trous dans le toit ne les gênent pas trop", puisqu’une installation dans ces lieux est interdite, certes - ne serait-ce que pour des raisons officielles de sécurité - mais  n’est pas considérée comme juridiquement illégale.

Paradoxalement nous voilà dans l’herbe, débattant sur les notions de Souvenir, Devoir de mémoire et tentations de l’Oubli. "La mémoire, dit- elle, la mémoire est capitale. Nos souvenirs mutuels sont essentiels à la compréhension de nos peurs respectives. Pour elle, chacun des esclaves de l'antique Exode biblique n’est- il pas une sorte de Palestinien actuel ?"

Je l’écoute parler des gens de Jérusalem, "beaucoup de gens, ici, me donnent du courage, en particulier les femmes, si solides - je remarque son beau sourire - il y a toujours l'espoir, vous savez", et je quitte ce lieu enchanteur en sachant qu’un comité de défense des anciens occupants de Lifta existe ici, et que des hommes et des femmes de la trempe belle et tranquille de Tamar Avraham veillent ici, toujours. 

Claire-Lise Pattegay, Jérusalem, 11 Janvier 2010.

source d'information : www.palestineremembered.com/Jerusalem/Lifta/index.html

Publicité
Publicité
3 janvier 2010

Dernières images

Picture_243

Picture_240

1 janvier 2010

L'AN NEUF

Alors que je raccompagne ma famille venue quelques jours, pour un dernier tour de Old City avant leur envol vers la France, on dirait que cette première journée de l’Année 2010, chrétienne et occidentale, démarre ce Vendredi, devant le contrôle d’entrée du Mur des Lamentations.

En effet, la file des visiteurs débouche sur des visages amis. Gaston de l’équipe Jérusalem et Victor de l’équipe Yavous, sont là, de l’autre côté du portique d’entrée, plantés l’un à côté de l’autre comme s’ils n’attendaient que nous.

Tandis qu’ils reçoivent nos Welcome et nos Happy New Year avec une réserve qui m’étonne un peu,  une autre voix familière nous hêle,  exactement au même endroit, et voilà Mimi de Tulkarem et son mari, tout juste débarqués de Tel Aviv…Exclamations, embrassades et voeux divers sous l’oeil des soldats et dans le fouillis des contrôles de sac.

J’observe au passage, la brusquerie du garde qui s’empare de mon guide touristique et le feuillette en toute hâte. Je remarque, au vol, le regard insistant de Gaston qui me glisse de partir vite quand je m’approche de lui. Il veut ajouter quelque chose en anglais que je confie à ma belle-soeur bilingue.

Victor, de son côté, reçoit l’accolade de Mimi en lui chuchotant de ne pas trainer, mais à la même seconde, la voix tonitruante du garde qui clame go away please a la cantonnade, nous fait fuir. Tout le monde a mis sur le compte de l’affluence, les phrases interrompues et les salutations confuses. On ne sait ce que voulait Gaston, tant pis, et chacun de continuer plus loin sa route.

C’est à Sheikh Jarrah quelques heures plus tard, avec Mimi Réformée de France et son mari, que je retrouve Snoopy sanglé dans sa tenue d’Accompagnateur, venu prendre son tour de présence. Barrières métalliques devant l’impasse, Range- Rover grillagées, filtrage des passagés…Tandis que nous nous heurtons ensemble au dispositif sécuritaire installé comme tous les vendredi ic i- veille de Shabatt - la suite du récit entamé le matin, au mur des lamentations, éclaire la scène tout autrement.

Snoopy nous apprend que Gaston et Victor ont été arrêtés et interrogés plusieurs heures au moment du contrôle, à cause des magazines que transportait Victor dans son sac, jugés sur le moment, extremistes pro-palestiniens...

Gaston essayait de nous demander d’appeler le Bureau pour prévenir, intervenir et éviter ainsi de voir gâcher sa seule petite journée de détente avec Victor. Il bouillait sur place de nous voir nous congratuler et me dévorait du regard pour que je devine la situation, en songeant déjà aux conséquences tracassières que risquait de subir toute l’équipe sur le moment même, mais aussi plus tard, à l’aéroport, au retour dans nos pays respectifs si l’organisation était ainsi stigmatisée à travers lui !

Pendant le récit des aléas du matin, une délégation s’avance, faite de protestataires et de soutiens actifs, décidés à passer la nuit sur place, en solidarité avec le quartier.

Le Comité israélien contre la démolition de maisons, le Comité palestinien d’Aide et de Conseil juridique sont présents au milieu de représentants de tous ordre’, jeunes et vieux, croyants ou mécréants, un peu hétéroclites avec leurs banderoles mais cohérents sur un point, celui de leur coloration  définitivement internationale et anglo-saxonne.

Nous sommes complètement seuls clamait l’autre jour, un des habitants expulsés de Sheikh Jarrah. En l’écoutant, me venait  à l’esprit la présence têtue et permanente de notre équipe, sa disponibilité immédiate sur un simple coup de fil jour et nuit et le constat, de plus en plus béant, de l’absence, oui, du vide musulman et arabe, en dehors des palestiniens. Etait-ce le sens du complètement seul de l’expulsé en colère ? C’est ainsi , en tous cas, que je perçois, jour après jour, la situation ici ! Et les imbroglios politiques, les subtilités et les arguties juridiques peuvent continuer, pendant ce temps, à assourdir les plaintes de tous les Sheikh Jarrah  d’Israel. 

Chacun se reconnait, se retrouve ou se présente au sein d’un rassemblement de ce type.

Le sourire du jour, je vous le livre tel quel. Il est né du dialogue, authentique, entre deux des femmes présentes, ce Vendredi 1er Janvier, traduction française en sus.

Premier femme

-Bonjour! Je ne vous avais jamais vue encore…vous êtes d’ici ?

Deuxieme femme.

-Et comment! Je suis Israélienne de Jerusalem, Madame !

Premier femme

-Ah ? Israélienne, bravo ! Alors vous faites partie de Women in Black, sans doute ?

Deuxieme femme

-Pas du tout.

Premier femme

-De Watschom Watch, alors ?

Deuxieme femme

-Sûrement pas ! Je déteste ces femmes et ces organisations !

Premier femme

-Mais …alors…..Que faites- vous ici ?

Deuxieme femme

-Ce que je fais ? Regardez-les, tous ces imbéciles, là ! Je suis venue surveiller mon fils qui ne fait que des bêtises et qui défile maintenant avec eux, Madame ! Et je l’attends! Je vais rester ici jusqu’à ce qu’il rentre à la maison ! Oui, Madame !

La fin de la soirée sera entièrement consacrée au dialogue entre les deux femmes, sur leur enfance réciproque, les peurs et les aveuglemnts traversés ou subis, et la pelote qui, ainsi, se dévide sur fond de crépuscule apaise. 

Claire-Lise Pattegay, Jérusalem 1er Janvier 2010

25 décembre 2009

Noël

Il est rare que l’équipe descende au grand complet du Mont des Oliviers, par l’autobus 75 comme aujourd’hui, mais il y a la Fête-Rencontre à organiser dans le quartier des expulsés où la presse et les autorités se presseront tout à l’heure. Tout le monde est plus ou moins enrhumé et un Observateur du lointain village de Jayvous, venu exprès pour la petite cérémonie est le seul à échapper à la règle. Quand il nous rejoint, devant la gare des autobus, il tient un grand paquet contenant un costume de Père Noël (!) car le quartier a demandé à ses supporters de leur faire une fête dans les règles de l’art avec tous les poncifs chrétiens.

On est content d’être ensemble, on se le dit sans façons. Effervescence habituelle, dans la rue qui nous attend, les groupes d’enfants jouant à se poursuivre au milieu d’adultes assis et songeurs sur leurs tabourets, les settlers vacants à leurs occupations d’une maison à l’autre sous les regards, plantés drus, des anciens occupants. Des sympathisants, au beau milieu, s’interpellent dans toutes les langues. Un arbre a été dressé quand nous arrivons, et les enfants l’ont recouvert de serpentins fabriqués maison et de toutes sortes d’objets décoratifs trouvés sur place. On y trouve même une unique chaussure.

Les hommes de la famille interviennent à notre vue et s’attellent aux illuminations en déroulant des cables électriques pour installer une gigantesque étoile et des guirlandes clignotantes. Il s’agit d’alerter encore et toujours, et les grands moyens sont utilisés. C’est petit à petit qu’on remarque la présence des range-rovers de police et de soldats qui s’alignent des deux côtés de la rue dans l’indifference générale. La presse, la télévision et les responsables locaux sont attendus tandis que se dresse maintenant une sorte de statue cocasse d’arbre de Noël, faite d’un amas échevelé et rutilant et ceinture de banderolles aux couleurs de la Palestine.

Pendant ce temps, un Père Noël digne des trottoirs des Galeries Lafayette sort majestueusement d’une des maisons palestiniennes agitant force clochettes. Gaston s’est pris au jeu et rajoute des fioritures aux décorations de l’arbre, John Wayne aide le Père Noël à se frayer un chemin au milieu des enfants déchainés. C’est alors qu’on remarque la fébrilité des settlers de la maison d’en face.

Sur leur toit en terrasse, s’élève depuis Hanouka, le gigantesque chandelier qu’ils y ont édifié. On les voit maintenant y accrocher des mètres et des mètres de drapeaux à l’étoile de David et comme le vent se lève, c est une sorte de navire toutes voiles dehors qui fait face aux habitants de Sheikh Jarrah. Alors, comique ou dérisoire, un dialogue surréaliste s’installe entre opposants des deux camps, à coups de clichés- photos et de surenchères de drapeaux d’un côté, de guirlandes et de musique de l’autre. Tout le monde se prend en photo réciproquement, on voit les settlers se mettre à danser sur les chants de Noëls diffusés à plein régime par leurs adversaires et se draper dans l’étoile de David en cape de Zorro ou en longues jupes, facon défilé de mode.

C’est dans ce contexte foutraque qu’arrivent les sommités englouties aussitôt sous les micros et les caméras, tandis que, là haut, sur leur terrasse, ricanent les voisins gesticulants. Il ne manque plus qu’un cheval lancé au grand galop, qui déboule du champs voisin au milieu de la foule. Il arrive, enfourché à cru par un gamin qui le guide adroitement, fait claquer ses sabots et disparaît aussitôt comme une apparition. Si je vous dis que, sur ces entrefaits, le Père Noël s’est mis à distribuer de mystérieux paquets sous les hourras des enfants, vous comprendrez pourquoi les déclarations au micro de l’unique représentant religieux qui s’est déplacé, se fait dans une sorte de brouhaha désinvolte où bon enfant comme on voudra. Des épouses distribuent des gobelets de jus d’orange, en habituées des meilleurs cocktails mondains. A côté de moi, Mohammed a allumé un feu dans le grand bidon, si utile à partir de la tombée du jour. C’est alors que je vois son frère, silencieux , assis contre le mur, psalmodier sa prière, indifférent à l’agitation et au tintamare.

Le Père Noël s’assied à côté de moi. Sous son costume, il est sud-africain, Pasteur de son état. Il regarde l’homme en prière et me dit que, c’est bien ainsi, mission accomplie, on parlera encore des habitants de Sheikh Jarrah et, en plus, tout le monde s’est bien amusé.

En cette fin de décembre où se fête l’espérance, nous venons de prendre connaissance des prénoms de l’équipe de relève qui nous remplacera bientôt. Americaine, suédoise, norvégien et irlandais, ils seront quatre, d’âge plutôt raisonnable et nous avons tout juste mis la dernière main au compte-rendu qui leur sera remis. La voie est libre pour se concentrer sur le dernier passage d’une année à l’autre où la promesse est toujours vivante, et se répètera, par la bonne volonté des hommes ou contre leur volonté mauvaise.

Claire Lise PATTEGAY, 25 Décembre 2009

20 décembre 2009

NOËL

no_l

Publicité
Publicité
20 décembre 2009

Far-West en Israel

Even Sapir est ma destination, en ce dimanche matin. Even Sapir ? On l’atteint, au choix, en deux heures de transport en commun ou en trente minutes de taxi, quand on vient de Jérusalem-Est. Ce lieu-dit se trouve près du village plus connu d’Ein Kerem dont on parle comme ”d’une sérénité pastorale bordée de cèdres du liban et de pins” où les citadins de Jérusalem ont l’habitude de venir se détendre en fin de semaine, en passant devant le centre medical Hadassah, titanesque et en plein travaux d’agrandissement.

Il s’agirait là du village d’Elizabeth et Zacharie, parents de Jean-le-Baptiste, ce que confirme une quantité de sanctuaires, d’églises et de chapelles disséminées dans la verdure et consacrées à Elizabeth. Je découvre ce jour son tombeau, dit-on, et la minuscule porte taillée dans le roc par les croisés. C’est dans ces lieux que je vais passer la nuit, dans le “monastère” des Soeurs de Granschamps qui jouxte celui de Frères Franciscains. J’ai rencontré ces soeurs d’origine suisses, jadis, chez les Diaconesses de Reuilly, je les ai retrouvées à la fête de la Réforme à Jérusalem, je suis leur hôte ce dimanche pour la nuit, après le culte à l’église luthérienne St Jean et les provisions de légumes achetés dans le souk en revenant. Prière et accueil. La communauté  m’offre l’abri dans une petite maison d’une pièce, en pierres de Jérusalem, noyée dans la verdure.

La mi-temps de la Mission, c’est là que je la célèbre, dans ce drôle de refuge d’ermite, par un chemin impossible, bercée par le grand bruit du vent dans les arbres, et par la nuit caquetante d’animaux nocturnes sous les plaintes des chacals… Je me sentirai presque devenir Ma Dalton, avec mon poele à bois plein de braises et de torches brûlantes s’ils approchent trop. A mon retour, le chauffeur du bus, la kippa sur la tête, sera tout content de rencontrer une francaise. Il me racontera ses deux séjours à Paris , plus belle ville du monde et me commentera avec fierté les immeubles cossus qui jalonnent le parcours de sa ville, les travaux pharaoniques du Walsdorf Astoria, presque comme New York, et le quartier des boutiques de luxe like the Champs Elysées. A peine le temps de dévaler d’un monde à l’autre, pour l’instant, à Even Sapir, il est seize heures et le soleil commence à disparaître. Le dîner aux bougies de l’Avent nous rassemble bientôt, et nous voici, évoquant mon retour du rassemblement du 11 Décembre à Bethlehem au Conseil Oeuménique des Eglises, l’Apartheid au pays de la Shoah, dls victimes et les bourreaux, les squatters et les settlers, les entrechocs de malentendus et d’intentions sous-terraines entre frères ennemis. Droits de l’Homme et des Enfants. Humiliation et dignité, confiance et peur…

A la fin, c’est Esaie 40 qui n’en peut plus et qui arrive à notre rescousse. Son récit prend l’agneau dans ses bras, protège la brebis qui allaite et nous couvre de son manteau, de la sérénité du vent, des arbres et du poele bien chaud qui existent aussi et que nous offrons en prière à tous les gens de ce pays si injuste et si beau.

Dès la nuit tombée, j’allume le poele à bois, aussi vrai que nature. Il se met à ronfler si bien, que je n’entends plus les hurlements d’enfants qui m’ont fait dresser l’oreille cet après-midi, avant qu’une des soeurs ne me prévienne de la présence de chacals (! ) dans la colline, dont l’appel si particulier donne la chair de poule et justement, dit-elle, ils se nourrissent des carcasses de poulets dont la région faisait l’élevage, en excellents écarisseurs naturels…C’est aussi le rôle des deux chats silencieux qui passent sous nos yeux. Depuis qu’ils sont là, me glisse soeur Maatje, nous n’avons ni serpents ni scorpions (!) qu’ils chassent très efficacement. J’ai bien fait de venir maintenant, Far-West d’Israël !

Claire-Lise Pattegay, Jérusalem, décembre deux mille neuf.

20 décembre 2009

Jugement

Que peut faire une moitié d’équipe d’Accompagnateurs Oecuméniques, un samedi soir, lendemain du Hanouka juif ,dans les rues désertes et noires de Jérusalem-Ouest ? Le temps s’est mis au gris ce matin et le vent souffle encore plus fort entre les colonnes monumentales du Tribunal de Grande Instance, ce qui fait claquer sec les quatre oriflammes haut perchés, aux couleurs d’Israël. Après une journée de réunion de travail et de retranscriptions de rapports, mes coéquipiers sur-nommés Snoopy, John Wayne et moi-même, arrivons tout essouflés, pour le verdict des sympathisants israéliens, supporters actifs des habitants de Cheikh Jarrah.

Depuis des mois, les familles palestiniennes expulsées, ont été visitées, soutenues par eux et certains ont même établi un véritable campement à leur côté, à même le trottoir. Nous sommes observateurs-accompagnateurs, mais eux sont activistes et ils ont récemment défrayé la chronique en participant aux bagarres contre les settlers venus prendre possession des lieux.

La chronique défrayée les a conduit au poste, manu militari. Aujourd’hui, ce soir même, doit tomber leur verdict. Fidèle à lui-même, John Wayne m’a sobrement intimé de le suivre, en me faisant remarquer que ma tarte aux pommes qui finissait de dorer au four, attendrait bien demain, car on partait tout de suite, on dinerait un autre jour. John Wayne a un coeur d’or que j’ai appris à connaître, je ne me formalise donc plus sur la méthode. A situation hors norme, comportement Ad hoc. Et puis, dans son pays, les féministes sont une race inconnue sans doute, enfin, la patisserie me sert surtout à patienter pendant les caprices de mon computer de malheur et j’epluche les pommes au rythme de ses connections successives. Devant le tribunal s’égrennent les arrivées de tout ce que le Jérusalem Israël compte en partisans des Droits de l’Homme, a commencer par les délicieuses ladies israéliennes à chapeaux. On les rencontre aussi bien aàcinq heures du matin aux Check-Points, que sous les ricanements des automobilistes du carrefour St Georges, tout habillées de noir.

Une foule d’étudiants de l’âge des prévenus vient enfin d’arriver avec panneaux, tambours et bébés en kangourous, portés par leur papa. Je retrouve la fervente Maya de l’Icadh qui traverse la foule en trombe, téléphone à l’oreille parlant à toute vitesse à tout le monde en même temps. La Plume à laquelle je la comparais, est décidement Flèche droit-devant.

Le vent soulève une houle magnifique dans les grands arbres devant nous et je lui sais gré de disperser par la même occasion les volutes malodorantes de tous les fumeurs invétérés que recèlent ces rencontres… Au bout d’une heure c’est une foule bien emmitouflée qui bavarde à qui mieux-mieux sous les quolibets de teen-agers israéliens rentrant chez eux. Leurs propos déclenchent les rires de tout le monde tandis que deux orthodoxes à papillotes s’attardent et s’éloignent nonchalament. Des Jesus-Christ passent inlassablement d’un groupe à l’autre à la recherche d’on ne sait quoi, des téléphones sonnent, des ordinateurs portables sortent des sacs sous le cliquetement des appareils photos et des caméras.

Il fait un froid de loup maintenant à Jérusalem, ce samedi soir vingt heures trente, déjà plus de deux heures que nous sommes là, avertis par un appel précipité et une policière vient me demander de me déplacer du mur sur lequel je m’appuyais, trop près d’une fenêtre du tribunal.

Un orateur s’est mis à réciter en hébreu, un chant repris en choeur, où l’on entend le mot Hanouka scandé doucement en frappant des mains. Snoopy est prêt à aller danser et John Wayne affiche un grand sourire de bonheur. Mais voilà que les tambours se mettent à retentir. Le résultat est moins poétique à mon goût, mais sans doute plus adapté aux slogans que lancent un jeune israélien dans son mégaphone. Dommage de ne pas comprendre, les formules ont un effet désopilant sur les manifestants qui rient tellement, qu’ils ont du mal à participer. Les panneaux s’élèvent Open your eyes, it’s Apartheid ! On entend des noms de dirigeants, mais il faut bientôt se taire car une information explique qu’il y a disturb pour le tribunal qui siège en ce moment et l’on découvre une double rangée de cars de police, de Range-Rover aux vitres protégées de grillages, de policiers à moto, fusil en bandoulière, comme toujours ici.

Snoopy vient m’expliquer en langage de salon de la Reine, qu’il faut lever le camp car il est vingt-et-une heures, que le jugement peut durer encore une partie de la nuit et qu’il voudrait dormir un peu avant le réveil au Muezin de quatre heure quinze, pour le Check-Point.

Nous quittons les lieux avant tout le monde, avant tous ces couples que je remarque, surtout, si impressionnant dans leur grand âge, qu’on imagine plus-que-grands-parents, et dont on devine la longue route de vie, jusqu’à ce douze Décembre devant les murs du Tribunal de Jérusalem, comme parents, solidaires, ou simples partisans d’une certaine conception de l’humanité.

Claire-Lise Pattegay, Jérusalem, 12 Décembre 2009

13 décembre 2009

Entrée dans Décembre au Mont des Oliviers

Jeudi

Mais tu l’as vu, lui, en train d’asséner ses théories au pauvre type qui l’aborde, là ?

Il est cinq heures et huit minutes, il fait encore nuit noire, et Mimi-Réformée-de-France, Volontaire venue pour deux jours à Jérusalem, s’indigne déjà.

Nous sommes à Qalandjia,Check-Point de sinistre réputation, et les files interminables piétinent pendant que la petite équipe commence à grelotter de concert, comme à chaque “trois fois par semaine de roulements” qui lui incombent.

Ce matin n’est pas pire pour l’instant que les autres, la soldate aux longs cheveux officie mollement dans sa guérite, avec des gestes d’impuissance - Comédie ou Vérité- quand elle aperçoit, par sa petite fenêtre, nos gestes d’appel ou d’impatience.

Gaston-le-thésard, benjamin de l’équipe, est en train de peaufiner ses arguments de politologue international sur l’interlocuteur du moment, un brave ouvrier borgne, résigné à ne jamais passer le Check Point pour Jérusalem, puisqu’il n’a que la carte verte et pas le permis qui va avec. On le retrouve souvent assis sur un banc comme aujourd’hui, près des files d’attente de ses compatriotes. Il ne parle qu’arabe et son besoin d’échange concerne un sujet si prévisible et inépuisable, que tout le monde se comprend très bien. Il conclue invariablement en nous tapotant l’épaule, avant de retourner s’asseoir paisiblement. Quoiqu’il en soit, ce matin, Gaston-le-Thésard lui a fait du bien en lui expliquant – qu’il ait compris la lettre ou pas - dans son langage de foreigner, l’art de gérer l’exaspération des files d’attente en évitant l’effet-foule qui grossit les rangs, en véritable marée humaine.

Il s’agit, nous l’avons constaté, de fluidifier le flux en laissant passer un maximum de gens pour les laisser s’entasser devant les portillons de détection des métaux et le contrôle des passeports. Psychologiquement, l’impression serait meilleure pour les victimes, avec le sentiment d’avoir déjà franchi le plus gros cap.

Et cela fait moins de monde sur la place. Les témoignages nous affirment que notre présence en est la cause, mais la méthode n’est pas appliquée ce matin. Je ne suis pas sure que le palestinien ait saisi tous les ressorts de la thèse. En revanche, à 7h30, voici l’arrivée, trois fois hélas, du deuxième peloton de surveillants, conduit par l’infâme Garde-Policier, celui qui est si content de lui et qui déboule régulièrement, certains jours de la semaine.   

Et celui là …! Mais  c’est une honte ! Tu l’as vu ? Bienvenue à Qalandjia, Mimi-Reformée-de-France, tu as raison de clamer ton indignation. Comment je l’appelle, ce sinistre individu ? Etrangleur de Boston, Costaud des Batignoles, Matamore de Qalandjia, Bouffi-d-Orgueil, au choix ! Il s’agit, de toutes façons , de ce qu’on appelle chez nous, un de ces Beauf pur jus, petite tête toute fière de son gros calibre, qui jubile de pouvoir jouer avec la dignité humaine et vociférer à coeur joie dans les hauts-parleurs en appuyant distraitement sur le bouton du tourniquet, pour le stopper, au moindre geste d’impatience. A Tulkarem, mission de Mimi, les gardes ne sont pas visibles de l’extérieur. Ici, à Jérusalem, il ne nous reste qu’à nous réconforter tant bien que mal tous les trois, en ne les quittant pas des yeux, tout en chronométrant discrètement. A voix haute, on s’échange les pensées, …reste qu’à espérer qu’il connaisse un jour la honte de se voir dans la glace… qu’il tombe sur un os – un gros os.

On pousse même l’héroïsme à imaginer qu’il puisse connaitre, qui sait, son chemin de Damas ou de Cisjordanie et dégringoler de son médiocre cheval, cul-nu devant tout le monde. La charité chrétienne n’est pas de mise et les lendemains meilleurs qui inventent des Paul- comme lui ? Qui sait ? - nous avons du mal à les rejoindre, à cette heure.

Gaston hésite à le photographier, comme il a fait tout à l’heure, avec un jeune soldat en train de faire son jogging en mâchant son chewing-gum, comme ça, devant tous les autres parqués dans leurs couloirs. Le type s’est rué sur la fenêtre et a menacé par haut-parleur d’appeler la police. Calamity-Jane, Volontaire dans un autre endroit, avait un peu trop nargué les gardes de son appareil, et a dû effacer toutes ses photos, manu militari, même ses photos de famille..fais gaffe, Gaston.

Les visages qui nous observent pendant que nous parlons, nous jettent des regards entendus. Tacitement tout le monde se comprend et je me fais la réflexion que notre présence accablée est, au moins, un moment de partage. Tout le reste du temps sera consacré à alléger autant que possible cette traversée de la honte quotidienne. Ces trois heures seront transformées, sur nos ordinateurs, en colonnes de tableaux Excell à l’intention des Services de l’Onu, et rejoindront toutes les autres séances, criblées de chiffres. Snoopy les vérifiera avec tant d’intense rigueur, dimanche, qu’il laissera passer l’heure du concert qu’il voulait s’offrir cette semaine.

Si la Minute de ces trois heures de présence et d’accompagnement devait se faire, elle pourrait occuper plusieurs pages et la totalité de notre âme.

Mardi

Le chauffeur de taxi qui fume cigarettes sur cigarettes, connait bien le camp de Bédouins des environs de Jérusalem, nommé Ma Ale. Il y conduit l’équipe régulièrement et ce matin, Beatrix Potter, John Wayne et moi, luttons contre le mal au coeur dans les virages sur l’aile qu’il affectionne comme tous les palestiniens. Il stoppe sec devant un marchand de café ambulant, passe commande et nous distribue les gobelets brulants, puis redémarre en trombe en nous laissant nous éclabousser à qui mieux-mieux. N’est pas palestinien qui veut. On quitte brusquement la route qui file maintenant en pleines  collines pelées, sans chemin attribué et l’expedition tout-terrain achève de vider nos gobelets sur pantalons et chaussures.

Les deux bergers des familles, disséminées sous des campements, nous attendaient et nous accueillent sans émotion apparente avec leurs moutons, partout sur les collines, les vols d oiseaux, le faucon ou l’épervier aux aguets, et le bruit du vent. De loin, on devine le Jourdain. Nous sommes chargés de témoigner de leur mise sous tutelle, de leur sédentarisation, bloqués sur ce plateau alors qu’ils écumèrent toute la région durant des générations. L’espace se restreint encore depuis quelques temps, des portions de terrains deviennent inacessibles aux troupeaux et aux circulations des tracteurs et nous devons en prendre toute la mesure. Les ex- nomades doivent maintenant acheter, par pleines citernes, l’eau nécessaire aux troupeaux et le fourrage de l’hiver, à ces settlers installés sur les hauteurs et dont on ne voit que les longs hangars effleurant l horizon. Après les heures passées devant les cages à barreaux des contrôles d’entrée et le spectacle permanent des occupations de maisons dans les quartiers démantibulés de Jérusalem-Est, paradoxe des civilisations et des situations, on respire,ici, on se pose, on savoure pleinement le thé offert avec cérémonie sur un billot de bois.

Le chauffeur de taxi traduit les questions et y ajoute son commentaire. Oui, ils achètent tout, mais ils vendent aussi. Du lait, du fromage, de la viande d’agneau. Oui, ils vivent bien, mais ils avaient l’habitude de circuler partout où l’oeil se pose et ils ne peuvent plus le faire. Oui, ils se plaisent ici, ils sont content qu’on viennent, notre présence est pour eux, ils le savant et la question les fait rire. Non, les settlers ne sont pas trop gênants, sauf quand ils leur prend l’envie de venir tout casser, et de repartir sans explications. Pourquoi ils font ça ? On ne sait pas, disent ils, c’est ça, les settlers, c’est tout. Non, ce n’est pas trop fréquent, ils savent que les Observateurs viennent régulièrement, alors ils n’osent pas trop. John Wayne prend des photos des hangars, mais le petit frère du berger insiste pour lui fouiller les poches à la recherche de la paire de jumelles qu’il avait  la derniere fois. Tout le monde s’arrête, la tête au ciel, pour suivre le manège du rapace qui part se poser sur un rocher plus loin. Dès que nous nous levons pour partir, dès que le dernier remerciement est fini, les deux bergers s’éclipsent, l’un saute sur son tracteur l’autre empoigne un ballot de foin à la minute même, et nous reprenons la poursuite infernale, sens inverse, avec l’impression têtue, d’un arrêt sur image, dans tous les sens du terme.

Lundi

Snoopy a du mal à se calmer, et d’ailleurs, il ne cherche même pas à le faire, ce matin, c’est plutôt moi qui en ai assez de l’entendre rouspèter et qui lui propose une deuxième tasse de thé, pour changer de sujet de conversation. Ca

marche

. Il faut dire que nous sommes en plein récapitulatif informatique, qui était à rendre sans faute hier soir, que c’est lui qui était chargé de le faire, et qu’il est en retard sur tout, faute d’informations suffisantes, détenues dans la chambre de Gaston-le-Thésard. Pourquoi n’y a-t-il pas accès ? Parce que Gaston est parti avec sa clé, pour ses deux jours de “congés” en oubliant de donner les documents. Pire, il devait rentrer ce matin, et il semble que ce ne soit pas le cas, ce qui donne à Snoopy l’occasion supplémentaire d’une envolée lyrique sur ces Volontaires immatures et irresponsables recrutés par erreur. J’imagine que la tirade vise Gaston. Il agree. Ce qui est bien avec Snoopy, c'est que mon accent français le fait redescendre illico sur terre-du moins, jusqu’à présent- surtout quand j’y ajoute une formule excessivement courtoise, un brin surrannée. Son sang British ne peut mentir et il me répond avec des  Dear Lady incompatibles avec les jurons. En tous cas, quelques heures plus tard, l’affaire est oubliée pour se concentrer sur la grande rencontre de fin de journée.   

Je regarde Jon finir de remplir sa deuxième page de notes , de droite à gauche, en hébreu. Pendant tout le temps de la table ronde j’écoute et j’observe surtout sa dextérité qui me fascine, alors qu’il n y a rien d’étonnant, à priori, à écrire en hébreu quand on est israélien…

Les vingt- quatre membres de la cuvée trente- trois des Accompagnateurs, sont répartis en huit tables rondes avec autant d’étudiants, du département Juridique et Social de L’Hebreu  University de Jérusalem. Jon, master de Sciences-Po et les trois autres, nous posent des questions sur l’objet de notre “travail” et expriment tout à trac ce qu’ils pensent, par la même occasion, de ce que les médias disent d’Israël. C’est à moi d’intervenir, après un plaidoyer de Snoopy si “catégoriquement pro-palestinien”, que deux des interlocuteurs s’élèvent aussitôt contre le terme occupation, que l’un d’eux fait mine de partir et que la réunion menace de s’arrêter là. Je précise que nous sommes ici pour comprendre les points de vue des deux parties, même si l’une, pour nous, est une urgence Human Rights. Eux, ils ont 23, 25 ans, ils ont pris la peine de venir après leurs cours nous poser des questions, tous ont fait leur service militaire, ils ont dû exécuter des tâches de Protections et de Sécurité qui n’étaient pas toujours drôles, précise Jon, mais, à nous de comprendre que c’est eux qui ont souffert des attentats des Humans Boombs, dans les bus du matin pour se rendre à l’école, et pas nous, les étrangers. C’est eux qui sont persona non grata dans les établissements arabes, s’ils viennent en uniforme militaire. Cet uniforme est obligatoire pendant la durée de leur service, meme s’ils sont en vacances.

C'est eux qui ont été élevés avec la peur au ventre des terroristes et qui évitent de se rendre dans le 

West Bank

comme on appelle ici la Cisjordanie. Ils ne connaissent les palestiniens que comme employés d’hôtel venant travailler à Jérusalem où les rapports sont simples et cordiaux. Ils nous encouragent à aller dans d’autres villes d’Israël, Haïfa, par exemple, où la vie est douce entre communautés mêlées harmonieusement depuis toujours.

Nous sommes des étrangers accueillis à bras ouverts, nous disent- ils, en particulier par les populations palestiniennes, nous manquons de légitimité pour juger de la vie intérieure de ce pays. Snoopy se met à débattre de l’avenir des élections et de l’avenir tout court du pays avec eux, et doit répondre à leur interpellation sur les propos d’éradication d’Israël. Oui, ils sont prêts à rencontrer des israéliens engagés comme Combatants for Peace, oui, ils sourient de plaisir à parler de Paris, de Londres ou de Johannesbourg, mais, quand Calamity se présente, l’adorable Calamity, américaine pur sucre, prête à les accompagner de l’autre côté du Mur, au devant de la population palestinienne au quotidien, ils sourient, se regardent et répondent que, non, décidement, ils ont trop peur ou …qu ils ont eu trop peur. Il y a eu beaucoup de choses ce lundi, mais tant pis, ce sera le projecteur du jour. La vie est ainsi faite.

Mercredi

Je ne savais pas qu’un jour, je serai à Sderot, là, debout à la frontière de Gaza, exactement à l’endroit où les médias du monde entier tendaient leurs micros et leurs cameras pour nous faire partager la frayeur des habitants de Sderot, posée à la pointe extrême de la frontière et prise pour cible par les assiégés de la Bande, juste en face.

Ce matin de décembre est gris, humide et venteux, on entend de loin des exercices de tir sur un monticule, très loin, à perte de vue. Ce sont les habitants de tous les jours, que nous rencontrerons aujourd hui, loin des polémiques et des prises de positions, car nous sommes venus les écouter nous parler simplement des tirs de rockettes sur les maisons et les jardins d’enfant de leur petite ville et leur immense lassitude des conflits et de la guerre.

Pour y remédier, Other Voice, par exemple. La responsable de l’association Other Voice que nous sommes venus voir, garde drôlement ses lunettes de soleil en nous parlant de ce qu’on essaie de faire à Sderot quand on cherche à rester quand même et à mener une vie paisible avec ses enfants. Nous sommes tout à fait capables d’aller dans le sens directement symétrique, violence pour violence, et c’est justement cela qui est si dangereux , dit-elle. Le long des allées bordées d’arbres, les maisonnettes aux toits de tuiles rouges, le marché hebdomadaire et le petit centre commercial sont recouverts de dispositifs anti-rocketts. Le parc reçoit les enfants dans son coin square-à-manège, avec ses balancoires et un drôle de boa jaune et vert qui ouvre tout grands, des yeux de marionnette. Ce grand yellow-submarine n’est pas un héros de chanson, mais un abri anti-bombes et anti- rockettes. Il est facile de s’y cacher en croyant jouer, quand on a quatre ans, mais il est aussi prévu pour les grands, taille adulte.

Pendant l’exposé de la jeune femme qui vient enfin d’enlever ses lunettes, je remarque Noel- ça ne s’invente pas !- Noel, le bien-nommé pasteur canadien, à qui ne manque que la hotte pour faire illusion. Il consulte sa Bible d’un air perplexe, pendant la discussion qui suit. Le mot terre promise vient de circuler dans la conversation. La terre au Seigneur appartient, et oui, dit le livre en toutes lettres, et il vient encore de le vérifier.

Il remarque mon regard et me fait un signe de connivence, réponse comme une autre, aux récits de bagarres, de larmes et d’énegies du désespoir.

Samedi

Au Centre Culturel Francais où je vais saluer le responsable, en ce début d’après-midi clair et ensoleillé, malgré le froid, il y a une exposition de travaux et de produits palestiniens pour inaugurer les marchés de Noel des pays chrétiens. Plusieurs Organisations Intenationales qui soutiennent les populations à divers titres, y sont representées. En admirant une couverture tissée de la laine des moutons des alentours de Naplouse, je reconnais la jeune Volontaire de Projects Hope, déjà rencontrée dans le quartier de détresse palestinienne de Jérusalem-Est. Sur la table devant elle, des broderies de femmes patientes et habiles, un panier plein de savons, à l’huile de ces oliviers qui représentent la seule ressource de certaines régions et que l’on ramasse à la hâte quand le délai de cueillette a été, une nouvelle fois, amputé par les Autorités.

Elle me salue avec joie tu me reconnais ? Oui, elle restera la toute la journée, non, elle n’a pas le temps d’une tasse de thé, non hélas, mais une autre fois ici ou ailleurs. Elle partira fêter Noel en famille dans son pays, sûrement car elle y retrouvera son petit copain, puis reviendra.Ecris moi, fais moi signe, hein ? Ce moment d’amitié, bon-enfant au milieu du reste, brillera toute la journée.

Vendredi

A peine arrivés du Check Point de Qalandjia, à peine apaisés les bruissements de la foule et les cliquetis des tourniquets d’acier, à peine refermé le couvercle de l’ordinateur qui recueille récits et tableaux Excell, nous voilà à nouveau ailleurs, ici par exemple, cette grande salle de réunion, dans un magnifique couvent de Carmélites, à essayer d’ouvrir nos yeux et nos oreilles à un homme ou une femme, debout devant un verre d’eau et un grand écran. Ce que raconte Esther de l’association New Profile, ce matin, c’est ce que diraient, par exemple aujourd’hui, mes amies, mamans épouses ou grandes soeurs de

Paris

ou d’ailleurs, Josée, Agnes, Arielle ou Marie-France.

Dimanche

Beatrix Potter est en congé et reçoit la visite de son mari suédois dans un pension-couvent  de Syriens Orthoxes jusqu’à Dimanche. Gaston tente d’échapper à une bronchite carabinée qui me parait plutôt relever du stage intensif de vie trop nocturne, mais bon, c’est son affaire. John Wayne peaufine son bouquin (sur le thème du traffic des diamants d Afrique du Sud) et reçoit les honneurs de la presse par internet. Snoopy s’enflamme de plus en plus pour la cause palestinienne à coup de pamphlets et de créations d’Association vers la Perfide Albion dont les années de colonisations sont dures à effacer. Et mon ordinateur qui me tient lieu de famille, ne veut rien savoir, aujour d’hui dans ma chambre. Je n’ai réussi à le connecter que dans le grand salon silencieux à cette heure de fin de soirée, où John Wayne lit un bouquin d’une certaine Karen Armstrong sur Jérusalem, Jerusalem Night and Day comme il dit ,en baillant à fendre l’âme avant de refermer le livre.

Je me dis qu’il faut être un brin maso, pour vivre comme nous le faisons ici. Puis je m’aperçois que cette définition très approximative, inspirée par la fatigue des jours, et le vocabulaire relâché assorti, peut concerner chacun des membres du club des Cinq du Mont des Oliviers qui nous abrite, Gaston, Beatrix Potter, Snoopy, John Wayne et moi-même...et même notre entourage plus lointain, Calamity- Jane de Bethlehem, Mimi-Réformée- de- France de Tulkarem, Le Père-Noel d’Hébron, Grande-Anglaise et Titi la Suédoise de Janoun, Joan Baez qui chante divinement bien avec ses sandales anglaises et sa grande guitare, de Jayvous, l’Archange Tobi qui a toujours des bonbons dans sa besace et des fêtes avec tout le monde ici, car les vieux ont l air si jeunes, de Hébron, par exemple.

Tous les jours de cette semaine, sont déplacés, en effet. Ils suivent l’ordre cacophonique qui est le mien ici, et qui est celui de tous les autres aussi. Car c’est ainsi que se vivent les situations, les urgences, les appels et les obligations dans nos viscères et nos émotions de simples mortels et c’est ainsi que se carambolent confidences, indignations, espoirs et exaspérations au carrefour de Jérusalem -Trois- Mois-de-Paix. 

7 décembre 2009

Sheikh Jarrah, encore Sheikh Jarrah.

Sheikh Jarrah, encore Sheikh Jarrah.

Bild_009_1_

Hier, par exemple, j’ai rejoins comme presque chaque jour, maintenant, le quartier de Sheikh Jarrah -Jérusalem-Est- par le grand boulevard Nablus Road qui passe devant le fameux American Colony, hôtel cossu qui sert de si bon Tea-Time hors de prix, et où une visiteuse Volontaire Oeucuménique, venue pour quelques heures de Hebron, nous  avait donné rendez-vous le mois dernier.

Elle avait commandé thés et cafés à la ronde. A la vue de la facture apportée par la gentille serveuse, elle s’était  mise à  crier dans un pur anglais londonien, que my God, est-ce possible une telle somme ? No… C’est pour l’ensemble…isn t it?...Pour… Chaque Tasse ? No…C’est une erreur sans doute ? Really ? La jeune serveuse, perdant tout maintien style d’école hôtelière, avait été prise d’un tel fou-rire qu’elle en parlé sans doute encore aujourd’hui dans sa famille palestinienne. J’aime penser que ce souvenir la distrait peut-être, dans les files d’attentes, au passage des Check-Point, pour venir travailler...

Je gagne un peu de temps avec cette anecdote, juste le temps du virage du boulevard qui va rejoindre le carrefour vrombissant de voitures, car, à deux cents metres de là - première rue à droite - la famille de Mohammed traverse maintenant larmes et rage. Le verdict est tombé, la famille a perdu, la maison revendiquée par les settlers leur reviendra, mais, plus grave, les  autres maisons qui s’élèvent un peu partout dans la rue, dans le quartier, entourées de leur jardinet, appartiennent toutes à leur grande famille élargie, les cinq frères de Mohammed… Une de ces habitations, mitoyenne de famille palestinienne barricadée à l’intérieur, est “occupée” par les vigiles d’une société privée de gardiennage, en attendant que les settlers, nouveaux propriétaires, viennent s’y installer. s1

Le jardinet devant est jonché des meubles et de débris des anciens occupants. Depuis 8 jours, Mohammed et sa famille ont emménagé dans un appartement proposé par la municipalité palestinienne, et les enfants ne dorment plus dehors sous la bâche, ce qui n empêche pas la maman de hocher la tête en montrant sa maison perdue, et les aieules, fidèles au sitting quotidien, serrées les unes contre les autres sur le trottoir, de fixer un regard inquiet sur les nouvelles à venir, en espérant  l'impossible.

Hier soir, pourtant, les petits garçons sillonnaient la rue à bicyclette et se poursuivaient en riant, comme tous les petits garçons, pour prendre chacun leur tour. Sarah, 3 ans, choisissait qui elle voulait parmi les adultes qui la saluaient et décidait de faire un sourire ou de mimer un crachat, selon son bon vouloir de petite reine de la famille .

Hier soir, donc, paisible soirée entre voisins et familiers palestiniens, dans le retour du calme, a quiet Sheikh Jarrah, en somme. J’écoutais Martine, Volontaire francaise, Pasteur de l’Eglise Réformée de France, venue de la petite ville de Tulkarem pour deux jours à Jérusalem, poser toutes les questions de la terre aux parents qui voulait  bien expliquer, à nouveau, l’absurdité de la situation. Deux grands feux dans des tonneaux de tôles illuminaient la scène et  répondaient aux girophares bleus de l’engin de police présent jour et nuit au beau milieu de la rue.

Par les fenêtres illuminées de la maison d’en face - qui fut la leur - la famille de Mohammed pouvait voir, comme chaque soir, les silhouettes des settlers comme on les appelle ici, vaquer aux occupations domestiques, comme toutes les familles de la ville, à cette heure.

Cynisme? Egoïsme? Inconscience? Un drapeau bleu et blanc imperturbable, tout là haut, sur leur toit.

Nous les avons quitté pour la nuit, rassurés quand même. Mais le lendemain, la presse racontait les incidents du petit matin, les altercations de voisins à voisins ennemis, l’arrestation mouvementée d’un settler et de deux palestiniens par la police et l’armée. Dans la bousculade, une des aieules avait été molestée et hospitalisée.

Je vous quitte. Je dois rejoindre les autres, toutes ces bonnes volontés  rasssemblées en prières et en soutien qui vont, à nouveau, remplir la rue, déjà  pleines de gardes, de vigiles, de policiers et de soldats, comme  Membres d’associations israéliennes,  Israeli Committee Against House Demolitions ou Rabbis for Human Right, comme volontaires internationaux et chrétiens, de Ecumenical  Accompaniment in Programme in Palestine and Israel, comme sympathisans, palestiniens, anonymes, et d’autres que j’oublie, et comme  vous, qui me lisez maintenant.

Sheih Jarrah, encore Sheih Jarrah. 

Claire-Lise Pattegay, Jérusalem, Décembre deux mille neuf.

7 décembre 2009

Dead Sea

…………De là, David monta vers les lieux forts d’En-Gedi où il demeura. 

Lorsque Saul fut revenue de la poursuite des Philistins, on vint lui dire, voici, David est dans le désert d’En-Gedi.

Saul prit trois mille hommes d’élite et il alla chercher David jusque sur les rochers des boucs sauvages. 1Samuel 24.

J’y suis, au milieu des rocs du désert, mais les boucs sauvages sont sûrement restés dans les récits anciens car on ne les voit pas, depuis le grand bus Egged bleu-roi, pris très tôt ce matin à la Gare Routière Centrale de Jérusalem.

Ma co-équipière (alias Titi-la-Suédoise) voulait voir un lieu biblique, un vrai de vrai, le plus ancien possible, le plus loin possible des conflits du XXI siècle qui nous dévorent, pour cette petite journée de halte, et, ma foi, moi aussi.

En-Guedi, nous y sommes. Le désert est là, sa stupéfiante beauté en à-pics de sable et en parois de roches nous attend comme si elle attendait encore le futur roi David poursuivi par le vieux roi Saul.

Si les conflits sont restés, ils ont changé d’époque et on peut, pour quelques heures, les laisser à 1h30 d’ici. Titi-la-Suédoise ronchonne qu’elle aurait du relire, avant de venir, le récit de la rencontre de David et du Roi Saul, 1Samuel 24, déclare qu’elle est nulle en ancien testament, qu’elle sait tout juste qu’il y avait eu une bataille entre eux, juste là, pas loin de là où nous sommes, et encore, va savoir. Du coup, elle décide aussitôt que, rentrée à Stockholm, elle s’inscrit à des cours de Bible ancienne.

Pendant ce temps, je me rappelle vaguement, pour ma part, une histoire de manteau coupé entre nos deux héros, mais en signe de quoi? Alliance ou offensive ?

La question ne se pose pas longtemps, car le bus s’arrête pour la quatrième fois, et la quatrième halte, c’est la nôtre, c’est sûr, et il vaut mieux descendre en quatrième vitesse, comme le font ici tous les voyageurs de transports en commun avec leur étonnante docilité face à l’impatience des chauffeurs de bus ou de services, capables de redémarrer en trombe avant que vous ayez fini de descendre.

Que de chiffres quatre : En-Gedi, source du chevreau, comme le signale le manuel-guide que je compulse une dernière fois, c’st un village aussi, étalé sur 4 kilomètres qui mène à la Mer, dite Morte on ne sait pas par qui, car pour les hébreux, elle se nomme Mer de Sel..

Laissons-là, Saul, David et tous les Philistins de la terre et  tournons le dos à la splendeur montagneuse, pour aller accueillir la fine ligne blanche qui scintille en contrebas. Comme il est tôt, nous sommes délicieusement seules à fouler le petit kilomètre qui nous mène en droite ligne sur la berge miroitante. On sait que cet endroit est un des plus bas de la terre, le plus bas du globe signalent les gens informés, qu’il est fragile malgré les millénaires qu’il contemple, car l’eau s’en évapore inéluctablement et le Jourdain qui l’alimente, doit fournir aussi de plus en plus les systèmes d’irrigations qui nous valent par ailleurs, de si bons légumes…

Mais, pour l’heure, il s’agit de savourer chaque minute de cette journée, à commencer par un bon bain de mer, assise dans l’eau qui porte comme dans un hamac, à ce qu‘on dit. La brise qui nous accompagnait dans la marche est devenu un vrai vent, grand et bon, joyeusement sonore et qui soulève un ressac digne des criques bretonnes de ma doulce France.

La plage est mousseuse d’écume et de sel, mais Titi, en respectable suédoise, ne s’arrête pas à si peu et s’apprête à faire enfin le plongeon le plus assaisonné de sa vie. Un appel sonore nous arrête. Dans ce bout du monde, une baraque en bois sur la berge abrite un authentique gardien qui veille à la santé des amateurs de Dead Sea.

Il explique le vent, la teneur mortifère des vagues en sodium, incompatible avec les muqueuses humaines – et même animales, car nul poisson ni autre espèce ne survit ici- bref, hors de question de nager par un temps pareil, risque d’ingestion accidentelle d’une lampée fatale d’eau, trop riche en sel, risque de devenir aveugle et pire que tout, il y a eu mort d’homme le mois dernier dans les mêmes circonstances. Une baignade dans l’Acide Chlorhydrique ne nous ferait pas pire effet.

Que faire au bord de la Dead Sea un 26 Novembre, quand le vent souffle, les vagues mugissent et la fin la plus affreuse vous guette au moindre faux-pas? En dehors du débat sur l’affrontement des Philistins, du roi Saul et du pas-encore- roi David et son bout de manteau qui attendra des jours meilleurs, on ne se lasse pas de regarder, toucher les plaques de sel, se faire régénérer par un soleil vibrant et sans le moindre risque de coup de soleil, pour une obscure raison d’arrêt des rayons x dans cette région décidément inédite.

Ah! La femme de Loth ne connaissait pas bien sa géographie! Ce n’est pas une délicate poudre de blanc pur sel de Guérande qui lui a recouvert les épaules quand elle s’est retournée sur Sodome et Gomorrhe en flammes (pas très loin d’ici, non plus, décidément) ! Les épaisses plaques de cristaux aussi coupantes que du givre qui crissent sous nos pieds, servaient, dit-on, aux égyptiens, pour embaumer les corps. Elle a dû sentir la gangue mortelle lui couper la respiration vite fait, la pauvre Lady !

Mais tandis que je m’amuse, ma co-équipière suédoise a l’impression d’avoir perdu son temps, et fait comme la femme de Loth, regarde, regarde en arrière la Dead Sea en furie pour guetter le calme, Mais où est la tempête apaisée? Ricane-t-elle en français (car elle est aussi bilingue qu’experte en Evangile).

On pourra peut-être se baigner dans deux heures, non? Vers la fin de l’après-midi, alors ? Le gardien hausse les épaules et dit que cela peux durer huit jours. Quant à moi, j’ai repéré de loin, d’étranges silhouettes et j’ai hâte de vérifier qu’ici, on peut se rouler dans la boue, qui est mondialement connue pour ses vertus de toutes sortes. Quelques minutes plus tard en effet, me voilà gluante du plus beau marron- chocolat puisé à pleines mains dans des sortes d’auges dégoulinantes, prévues à cet effet. Une bande d’amis se roulent les uns sur les autres dans une bataille de classe de maternelle et l’allure fantomatique des silhouettes noires sur le ciel bleu cobalt a peut-être été celle, qui sait, des cours royales du temps jadis, quand elles venaient se reposer et se nettoyer des batailles du moment. Des tuyaux de zinc aspergent les alentours d’eau sulfureuse et chaude pour rincer la boue séchée sur nous et ne faire que du bien à nos épidermes de citoyens du XXIe siècle.

Titi-la-Suédoise remarque que les jets d’eau brûlants d’Islande où elle se rend régulièrement ont plus d’allure encore, mais je pense à part moi qu’elle ne se remet pas de sa déception Mer Morte, et que ce pays ne trouvera pas vraiment grâce à ses yeux. La dernière manche nous attend.

Un retour à la plage de givre brulante de sel, met un point final aux derniers espoirs car le vent souffle plus fort que jamais, et, pire encore, la berge est couverte de curistes russes venus d’on ne sait où, serrés frileusement dans de petites serviettes blanches, très années 50. C’est une piscine d’eau trouble, couleur caca-d’oie, qui nous accueille enfin, puant le soufre pour la bonne cause cette fois-ci.

Je perds 20 minutes à tenter d’expliquer et traduire le jeux de mots français à Titi-la-Suédoise, qui ne voit pas ce qu’il y a de drôle a sentir le soufre, et puis, tant pis, je renonce et m’amuse toute seule de la formule. Titi-la-Suédoise est partie, dire son fait à un autre gardien en pleine forme, qui s’amuse visiblement à l’écouter se plaindre de ne pas avoir été prévenue de l’état de la mer, avant de prendre son ticket pour la prestation piscine-pleine-de-soufre et de ne pas avoir eu de serviette de bain pour le même prix. Welcome en Israel, finit-il par conclure.

Et elle de résumer en me rejoignant que, de toutes façons, ce sont des voleurs de Palestine. Ein-Gedi en a entendu d’autres, me reste plus qu’à aller pousser un bout de marche un de ces jours vers l’antique Gomorrhe que Dieu aurait réduite à néant par le feu et ce soufre dont je sais maintenant la réalité toute géographique.

Plus tard, dans Jérusalem déjà sombre à l’heure du Tea Time, Samuel 24 nous restitue le fin mot de l histoire, la réconciliation des deux ennemis, la retenue du futur Roi David, artiste du beau geste qui arrête son épée sur un pan de manteau et le pacte final je te laisse devenir Roi, tu me laisses ma postérité.

En filigrane, s’élève, pendant la lecture, la silhouette de sel, mélancolique et pâle, d’un regard de femme sur toutes les bêtises humaines.

Claire-Lise Pattegay, Jérusalem, fin Novembre 2009.

Publicité
Publicité
1 2 3 > >>
3 mois de mission de paix
Publicité
Publicité