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3 mois de mission de paix
21 novembre 2009

Augusta Victoria Hospital

hopitalCet hôpital majestueux trône au milieu d’un parc de toute beauté avec ses palmiers, ses pins parasols et ses buissons de bougainvillées rose et blanc. Il porte le nom de la femme du Kaiser Guillaume II qui en avait fait cadeau à Jérusalem pour les victimes de la malaria qui sévissait  au début du siècle. Une église luthérienne s’élève juste à côté. De style “byzantin guillaumesque” pourrait-on traduire , elle a été construite exprès sur ce sommet de Jérusalem, au-dessus du Mont des Oliviers, à 1300m au-dessus de la Mer Morte.

Des fêtes et des offices s’y célèbrent régulièrement autour d’une étonnante communauté germanique. Au départ de l’hôpital, deux autobus font chaque jour la navette pour aller chercher les malades de Béthleem et Hébron, et les conduire à Jérusalem. Un autre autobus est réservé au personnel des environs de Ramallah.

Les départs se font très tôt, comme tout ce qui se fait à Jérusalem. 5h, 7h, 7h30, les Check-Points des différentes villes sont une étape incontournable qui allonge considérablement le temps du retour à l’hôpital, vers 10h30.

Je fais la connaissance de Mohammed, garde préposé spécialement à l’autobus des petits malades sous dyalyse, dyalysis patients, et, plus largement, à ceux, grands et petits, atteints de cancer qui nécessite des soins intenses et réguliers. Tout rond , affable, Mohammed  explique longuement son travail, et me présente les “habitués” de l’autobus. Ils sont 14 petits aujourd’hui, accompagnés de 8 parents et 20 patients adultes. Il les connait depuis des années, il en a vu grandir certain, il y a même des fratries de malades qui montent les uns après les autres. Mohammed doit noter méticuleusement l’identité de chacun et celle, évidemment, de l’éventuel accompagnateur père, mère ou parent.

Il doit mentionner également le nom précis de la maladie sur un grand cahier qu’il présentera au premier contrôle, celui qui autorise le passage vers le deuxième contrôle, réserve, lui, à la vérification des cartes d’identité, des certificats médicaux et des autorisations de circuler. Il précise à quel point il est tenu pour responsable du moindre incident autour de ces impératifs, mais ajoute avec un bon sourire, que, en fait, depuis le temps, tout le monde se connaît, et que, jusqu’à présent, tout se passe pour le mieux.

Je constaterai en effet que la jeune soldate à queue de cheval de faction ce jour là, fait un tour rapide des rangées, l’oeil fixe, sans un sourire, mais sans excès de zèle non plus. Si je suis là ce lundi matin, c’est dans le cadre du respect des conventions humanitaires, pour pallier à d’éventuels abus, à l’aide de ma seule présence “labellisée” et de l’appel téléphonique, le cas échéant, qui peut déclencher une intervention spécialisée.

Le Surveillant Général du service, William, m’a reçue la veille, présentée au département pédiatrique et à la psychiatre qui s’en occupe, a prévenu, enfin, les gardes de l’entrée de l’hôpital et des différents autobus. Il m’a  renouvelé l’intérêt que représente notre présence physique sur le terrain, et l’écho que nous pouvons faire passer auprès de nos différentes communautés, dans nos différents pays.

Tandis que j’écoute Mohammed me parler de son amour pour ce pays si difficile, tandis que  le paysage défile sans s’occuper de nous, le chauffeur ne cesse de hurler sur les chauffards qui croisent sa route, sur les nouvelles que clame sa radio tonitruante, sur cette voiture plantée en plein milieu du carrefour, avec les éternelles expressions de toutes les langues du monde : là ! Vous voyez ! Qu’est ce qu’elle fait là devant, celle-là! Encore une femme au volant, regardez ! Au point que Mohammed se moque de sa fureur en prenant le public à témoin, et que le fou rire gagne toutes les rangées.

Je vois alors la petite malade assise juste derrière lui, se mettre debout sur son siège, se pencher par dessus le dossier, lui tapoter la tête, tout sourire, et lui dire quelques mots avec l’air d indulgent des Grands Sages. Il se tait aussitôt et continue la route en bougonnant tout bas. Ce soir, après les soins, il fera le chemin en sens inverse. Ses passagers, fatigués par leur dyalyse, leurs examens, leur traitement, seront tous endormis dans l’autobus quand montera le soldat du Check Point pour vérifier… on ne sait plus très bien quoi. Pour moi, aujourd hui, aucun incident n’est à signaler pour les relèves de l’Office for the Coordination of Human Affairs.

Claire-Lise Pattegay, Jérusalem, Novembre 2009

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